Archives de catégorie : Questions courantes

L’enfer de noël avec des troubles alimentaires

Noël, moment censé être magique, où le temps s’arrête, où les gens se retrouvent et partagent. Pourtant pour les patients souffrant de trouble des conduites alimentaires, cette période est un vrai calvaire, un mélange d’imprévus, de peur de ne pouvoir compenser tous ces aliments interdits, de tentations pouvant provoquer des dérapages, activant le mode bien connu pour certains du « c’est fichu, j’ai craqué ».

Encore une fois, il va falloir trouver la force pour surmonter cette période. On ne se rend pas compte, mais lors de toutes ces occasions qui en général sont source de plaisir, les patients vivent l’inverse à l’intérieur d’eux-mêmes. Et pourtant, ils seront là, à table pour la majorité, à tenter de lutter contre leur maladie, en silence. Résister. Résister à quoi ? A la faim, à la fatigue, aux doutes, aux envies. Passer outre les réflexions qui blessent, qui peuvent provoquer un sentiment de culpabilité mélanger à de la colère : « oui j’ai encore maigri, mais si vous saviez quel enfer c’est. Il ne suffit pas de manger pour en sortir. Rien que d’être ici avec vous c’est déjà une victoire pour moi …»

Au lieu de voir les choses sous l’angle positif et magique de Noël, c’est une montagne de soucis qui s’installe : « je ne sais pas ce qu’il y aura », « je n’ai pas envie d’imposer mon anorexie aux autres », « je n’ai pas envie que ça se voit », « je serai obligée de me faire vomir mais pas sûre de pouvoir le faire », « personne ne le sait », « je ne vais quand même pas amener mon repas », « si je prends de l’alcool je vais avoir envie de tout manger », « les repas n’en finissent pas et je reste assis si longtemps, ça m’angoisse »… Avec tous ces questionnements et doutes, il est difficile de pouvoir être simplement là, disponible pour discuter, tout en mangeant.

Alors comment amener un peu de calme dans cette tempête intérieure ? En mettant en place quelques petites choses et surtout en gardant bien en tête qu’il est impossible, lorsqu’on souffre d’un trouble alimentaire, de manger comme tout le monde…

Quelques pistes :

  • Récupérer un maximum d’information sur le planning des repas : combien de repas, chez qui, avec qui, quel est le menu etc. Plus la personne aura d’informations, plus elle sera rassurée et pourra se projeter.
  • Ensuite, y a-t-il une personne de confiance sur place vers qui se tourner en cas de doute et d’angoisse montante ? Si non, il est intéressant de trouver cette personne ressource, celle qui pourra avec quelques mots nous dire que ça va aller, et que si besoin on peut faire autrement. Peut-être se mettre à côté d’elle à table ?
  • Il va falloir se positionner face à l’entourage : est-ce que les gens sont au courant, et si non, est-ce que j’en parle ou pas ? Le dire peut être parfois difficile au départ, mais permet ensuite d’éviter les fameuses réflexions maladroites au moment du repas « ressers-toi », « tu n’as presque rien mangé », « tu fais encore la difficile » …En gros, ça peut permettre d’avoir un peu la paix ! Et ça, ça peut être sympa 😉
  • En fonction du stade où on la personne en est, il est parfois utile d’amener son repas. Cela paraît fou de ne pas profiter de ce qu’il y a sur place, mais les angoisses vécues peuvent être tellement fortes qu’il est préférable d’avoir sa routine alimentaire. Dans ce cas, l’objectif principal est à revoir, c’est le fait d’être ensemble, et le repas passe au second plan. Il y aura d’autres Noël, le prochain sera plus facile !
  • Noël est une fois par an, sur une courte période. Passer complètement à côté peut être rassurant, mais peut aussi selon les personnes créer de la frustration. Petit à petit, la privation risque d’amener des envies de manger vécues comme incontrôlables. Pour éviter de se retrouver avec cette perte de contrôle, il est possible de s’autoriser des petites choses. Pourquoi l’anorexie aurait le dernier mot tout le temps ? N’est-ce pas normal, à cette période, d’avoir l’envie de goûter quelque chose ? Si je gère 95%, j’ai le droit d’avoir 5% de nouveauté, en le prévoyant à l’avance. Cela peut être par exemple de partager une petite part de bûche, ou bien de goûter une verrine à l’apéritif, s’octroyer un chocolat. N’oublions pas que le plaisir alimentaire est un régulateur émotionnel. Si la culpabilité arrive, il suffit d’observer tout ce qu’il y avait à table, tout ce que les gens ont mangé et bu, pour voir que ce petit plaisir accordé est en fait un contrôle incroyable que peu de personnes sont capables de faire !
  • Activer le mode « dégustation ». Afin d’avoir la sensation de garder le contrôle et sans trop se priver, il est intéressant de déguster : petite quantité, en faisant appel à ses sens. Observer l’aliment avant de le goûter, d’abord le sentir, puis prendre une première bouchée et simplement observer sa texture en bouche, quel goût vient en premier, quand est-ce qu’on en a mangé la dernière fois ? En prenant un peu plus le temps, on se nourrit avec ses autres sens, avec peu de calories !!
  • Et puis, s’il y a des choses prises qui n’étaient pas prévues initialement, cela peut être normal. Rappelons-nous qu’il y a une partie extrêmement dure qui, si on l’écoutait, nous demanderait de ne rien toucher. Ca n’est en aucun cas une perte de contrôle mais bien une adaptation à la situation actuelle. Et que va voir l’entourage ? Que les choses peuvent changer ! Ce partage d’émotions est tellement précieux qu’il peut aussi servir à balayer la culpabilité pour laisser place à l’espoir !
  • Pour finir, il est important pour la personne de respecter là où elle en est et quelles sont ses possibilités. Eviter de se mettre trop en difficultés, redéfinir son objectif qui est de passer ces moments-là du « mieux » possible », amener sa propre alimentation si besoin, en parler ou pas, mais surtout, prendre soin de ses peurs pour pouvoir être présent physiquement mais surtout mentalement disponible afin de partager avec ses proches.

Julie Basset, Diététicienne-Nutritionniste

L’image du corps altérée lors de Trouble du Comportement Alimentaire

 

  • Perception du corps altérée

La perception du corps est altérée. On parle de dysmorphophobie lorsque l’image du corps d’une personne n’est pas représentative de l’image réelle. La personne se sent et se voit en surpoids amplifiant le poids qu’elle a par le biais de sensations décalées avec la réalité et par des affects négatifs, voyant plus de graisse qu’il n’y en a vraiment ».

Nous souffrons tous des petites imagecorpsalteréealtérations de notre image du corps. Par exemple, lorsqu’une personne voit un bouton sur son visage, elle ne verra plus que cela et va même avoir une vision amplifiée de celui-ci, persuadée que tout le monde ne verra plus que cela.

Chez la personne souffrant de TCA, l’altération de l’image du corps est beaucoup plus importante que cela. Cette vision altérée de soi peut fluctuer. La psychomotricité intervient en invitant la personne à se reconnecter à ses perceptions. Les expériences corporelles favorisant de nouveaux ressentis, le patient va se forger une image du corps plus en adéquation avec la réalité de son corps.

 

  • Se couper de ses sensations

De même nous pouvons voir que la personne présentant des TCA se coupe généralement de ses sensations et de ses émotions. On peut noter que lorsque la personne essaye de se couper de toutes ses sensations, le corps prend une autre voie pour communiquer : les maladies psychosomatiques (infection urinaire, douleur dans le dos etc.). La psychomotricité propose alors une base d’éprouvés corporels, reconnectant progressivement la personne aux informations que son corps lui amène, amenant ainsi une amélioration globale de l’image du corps.

 

  • Image du corps et affects

Dans les troubles du comportement alimentaire (TCA), on retrouve systématiquement une image du corps très négative, avec des affects négatifs tels que le dégoût, la honte, l’antipathie pour soi etc.

La psychomotricité va alors inviter la personne à se reconnecter à ses éprouvés corporels, lors d’expériences agréables et les associer à des représentations positives, amenant ainsi une amélioration globale de l’image du corps.

 

Elisa Bessellere,

Psychomotricienne à Sos Anor

 

Corps et image du corps

imagesrelation corps_espritDans les Troubles du Comportement Alimentaire, on fait souvent référence à la problématique du corps et de l’image du corps mais de quoi s’agit-il ?

Que représentent le corps propre et l’image du corps ?Comment se construit la perception de son propre corps ? Comment mène-t-elle à la perception de soi, à la conscience de soi ?Quelques réponses en quelques lignes :

 

Quand on parle du corps…

On parle de « corps propre », c’est-à-dire sa propre matière physique mais aussi « ce que je ressens, dans mon corps et à propos de lui », de façon presque double, à la fois un ressenti de l’intérieur et une vision de l’extérieur, de façon quelque peu dissociée…

C’est l’expérience du mouvement du corps dans l’espace qui unifie ce double ressenti… ce depuis l’enfance.

En fait, la première image du corps se forme avec les premiers mouvements …

Dès les premiers mois, l’enfant découvre le monde par le mouvement : ce sont les expériences motrices qui lui Image du corpspermettent d’appréhender son corps, ses possibilités de mouvement, l’espace autour de lui, les objets et l’autre.

C’est ainsi qu’il prend conscience de lui-même, qu’il se forme sa première « image » de lui-même, par la motricité. Ainsi, son « intelligence », son psychisme, se développent par le mouvement c’est pourquoi on qualifie le développement de psychomoteur.

Le tout-petit se regarde avec intérêt, dans le miroir et met plusieurs mois à comprendre que c’est son image, son corps qu’il voit.

Comment passe-t-on des expériences, du vécu corporel (postures, mouvements, sensations…) à l’image du corps ?

« Le vécu corporel appartient au monde de la sensation alors que l‘image du corps appartient au monde de la perception. » P. André – T. Benavidès – F. Giromini

C’est à partir des sensations (des différents canaux sensoriels), du vécu corporel (expériences motrices du tout-petit enfant, enfant puis adulte…) que s’élabore l’image du corps. L’image du corps est faite de ces sensations selon la manière dont elles sont perçues et de la charge émotionnelle et affective associée à ce vécu.

 

Un vécu corporel des expériences motrices La perception du vécu corporel des expériences motrices

Sous le regard de l’autre

Postures

Mouvements

Sensations

Avec des émotions : plaisir, peur…
De différentes manières : sécurisantes, mises en danger…
Avec une charge affective

En relation avec quelqu’un de proche : bienveillant, malveillant

==>> Ainsi, une image de son corps se dessine peu à peu

En effet, mouvement, émotion, relation et image du corps vont de pair.

L’expérience motrice est « toujours liée directement ou non à une expérience émotionnelle, imposée par une relation à autrui. » Michel Bernard

Mouvement, émotion & relation sont étroitement liés.

La construction de l’image du corps, étape de l’image de soi, passe par cette motricité empreinte d’émotion.

Quelques définitions

Un premier niveau de représentation de notre corps est le schéma corporel. On peut le définir comme

– la « cartographie » que nous construisons par les expériences de la forme de notre corps et de nos capacités de mouvement dans l’espace,

– «  l’image tridimensionnelle que chacun a de soi-même qui s’organise grâce aux liens entre la perception et l’action » ( Schilder ).

L’image du corps peut se définir comme «  la façon dont notre corps nous apparaît à nous-mêmes » Schilder

« L’image du corps est l’idée, en perpétuel remaniement, que chacun se fait de son corps ; elle traduit ce que nous percevons à chaque moment et dans la relation aux autres , des qualités de notre corps.

L’image du corps est une représentation imaginaire, et qui reflète à la fois et en même temps le vécu passé le plus lointain aussi bien que l’actuel. « C. Pavot (2008)

Lien avec l’image de soi

L’image du corps peut également être assimilée à la représentation de soi, c’est-à-dire au « corps qui médiatise la relation à l’autre et agit comme le passage entre le dedans et le dehors, entre le Moi et les autres ».M. Guiose / A. Sanglade

Des ouvrages pour aller plus loin

Le corps, Michel Bernard– Le corps par Michel Bernard parcourt l’histoire de ces quelques notions

– L’image inconsciente du corps de F. DoltoL'image incinsciente du corps-Dolto

« L’image du corps est propre à chacun, liée au sujet et à son histoire ; elle est «  la synthèse vivante de nos expériences relationnelles… « .

 

 

Blanche Augarde-Dollé, Psychomotricienne

 

Les troubles de la perception du corps : petite explication

Voici un article très intéressant pour vous aider à mieux comprendre le décalage entre la perception de son corps et la réalité de celui-ci :

article : Les troubles de la perception du corps

 

 

 

Notre système sensoriel ne se résume pas aux 5 sens couramment évoqués (le goût, l’odorat, l’ouïe, la vue, le toucher) ; notre corps enregistre également d’autres informations sensorielles comme celles liées à la position et au mouvement de notre corps dans l’espace (sens kinesthésique, sens vestibulaire) ou comme celles issues de l’intérieur du corps (viscéroception, sensation de faim..). Cet article décrit l’un de ces sens : la conscience de l’état interne de son corps ou « l’intéroception ». D’après des études scientifiques récentes, un dysfonctionnement de ce sens pourrait induire un trouble de l’image du corps, une hypersensibilité au regard d’autrui, et ainsi contribuer au développement d’un trouble du comportement alimentaire.

Si des défaillances sensorielles entravent l’élaboration de l’image du corps, des pratiques corporelles stimulant les sens, comme celles de conscience corporelle, vont améliorer la perception du corps et, comme le suggère cet article, l’image du corps ! On peut notamment s’appuyer sur la notion de plasticité cérébrale : le cerveau va développer une zone qui sera souvent stimulée, entraînée. Stimuler l’écoute des perceptions sensorielles pourrait donc aider à améliorer la perception et l’image du corps.

Alors en avant pour tout ce qui aide à ressentir son corps en y prêtant une attention juste, que ce soit par le yoga, le Tai Chi Chuan, les techniques de gymnastique holistique… Ce travail sensoriel s’inscrit naturellement dans le cadre de la thérapie psychomotrice, pour guider, accompagner de façon individuelle, sur ce chemin vers la guérison.

 

Blanche Augarde-Dollé

Psychomotricienne